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LE PROGRAMME PROPOSE PAR
LE LABORATOIRE DE RECHERCHE 2011-2014
2- ETAT DES CONNAISSANCES RELATIVES AUX PROBLEMATIQUES A PRENDRE EN CHARGE
a- au niveau national
1. Emergence des maladies non transmissibles (MNT)
La Tunisie a connu ces trente dernières années une profonde mutation sur les plans économique, social, culturel et aménagement du territoire, qui s'est traduit par une transition socioéconomique, démographique, nutritionnelle et épidémiologique2 3, . Ces changements ont eu des effets favorables en diminuant la sous-alimentation et les maladies carentielles; mais ils ont eu aussi des effets néfastes avérés en augmentant la prévalence du surpoids, de l'obésité et des MNT chroniques liées à l'alimentation. C'est ainsi que :

- le surpoids et l'obésité ont atteints des seuils alarmants non seulement chez les adultes, mais aussi chez les enfants et les adolescents4 ;
- la prévalence du diabète accuse une hausse chez les deux sexes 5;
- l'incidence standardisée du cancer, toutes localisations confondues est selon les données publiées dans les registres du cancer, 133/100 000 chez le sexe masculin, et 95/100 000 chez le sexe féminin6. La tendance est nettement à la hausse.
- les causes majeures des maladies cardiovasculaires7 gagnent du terrain et pourraient avoir des conséquences désastreuses. C'est le cas, entre autres de :

- l'hypertension artérielle qui n'a pas cessé de progresser et qui affectait déjà en 1996, 21,1% des hommes et 25,5 % des femmes de 35 à 70 ans vivant dans le Grand Tunis. En 2005, ces prévalences sont respectivement passées à 28,9 % et 40,7 % ;
- l'hypertriglycéridémie qui affectait en 2005, 30,1 % des adultes de 35 à 70 ans (31,9 % des hommes et 27,8 % des femmes) ;
- l'hypercholestérolémie qui touchait en 2005, 5,9 % des adultes de 35 à 70 ans (5 % des hommes et 8,1 % des femmes) ;
- le tabagisme, autre facteur de risque, est répandu chez 43,9 % des hommes et 1,6 % des femmes de 35 à 70 ans en 1996 et respectivement 45,6% et 1,1% en 2005.

2-Ben Romdhane H, Khaldi R, Oueslati AM, Skhiri Aounallah H. La transition épidémiologique en Tunisie, ses déterminants et son impact sur les systèmes de santé. Options méditerranéennes, la surveillance nutritionnelle en Tunisie 2002;Série B; Etudes et recherches(41):7-28.
3-Ministère de la Santé Publique. Enquête Nationale sur la Mortalité et la Morbidité hospitalières. Tunis, Tunisie: Ministère de la Santé Publique1996.
4-El Ati J. & al. (2008). Change in nutritional status of adult women in Tunisia from 1996 to 2005: effect of living environment and socio-economic factors. Int J Obes; 32(suppl.1):S215.
5-Bouguerra R, Alberti H, Salem L, Ben Rayana C, El Ati J, Gaigi S, Ben Slama C, Zouari B, Alberti K. The global diabetes pandemic: the Tunisian experience. European Journal of Clinical Nutrition, 2006; Aug 9; [Epub ahead of print].
6-Ministère de la santé publique. Plan cancer 2010-2014.Tunis, ministère de la santé publique, 2010.
7-Elasmi, M., Feki, M., Sanhaji, H., Jemaa, R., Haj Taeib, S., Omar, S., Mebazaa, A., El Ati, J., Hsairi, M., Kaabachi, N. Prevalence of conventional cardiovascular risk factors in the Great Tunis Population. Rev Epidemiol Sante Publique. 2009; 57(2): 87-92. Epub 2009 Apr 3.
Ces pathologies sont responsables d'incapacités multiples et lourdes sur le plan humain, social et économique. Elles sont reconnues comme étant multifactorielles, résultant de l'interaction de facteurs génétiques, comportementaux et environnementaux (notamment l'alimentation et la sédentarité) qui interviennent dans leur développement ou leur expression clinique. Or les facteurs alimentaires (comme l'activité physique) offrent des possibilités d'intervention en termes de santé publique et de prévention.
La prévention des facteurs de risque des MNT est une priorité pour ralentir cette progression, et en persuader les décideurs est une urgence. Cette prévention est possible, mais les expériences menées dans les pays industrialisés ne peuvent être directement transférées à notre pays.
Les stratégies de lutte et de prévention doivent s'appuyer sur des informations épidémiologiques nationales et une compréhension de la situation, en relation avec le niveau de développement et le contexte socioculturel.
2. Facteurs de risque des MNT : le poids de l'obésité
Les MNT ont des facteurs de risque multiples et notamment le surpoids et l'obésité qui sont à l'origine, en plus des maladies cardiovasculaires, d'un grand nombre d'autres MNT et de troubles de santé : diabète de type 2, certains cancers, hypertension, dyslipidémies, troubles ostéo-articulaires, problèmes psychologiques, etc.8 . L'obésité abdominale entraîne notamment un ensemble de troubles rassemblés sous le nom de syndrome métabolique en lien avec une augmentation de la résistance à l'insuline9.
Les prévalences de l'obésité en Tunisie sont déjà considérables et dépassent celles de nombreux pays industrialisés. Si rien n'est fait pour infléchir la courbe ascendante, on peut s'attendre à ce que ces prévalences continuent à augmenter avec tout ce que ceci implique comme charge de morbidité.
Il est donc temps de mettre en place une surveillance de la progression du surpoids et de l'obésité, et d'être en mesure de proposer des options pour prévenir cette progression et renverser la tendance.
3. Double charge en malnutritions
La progression de l'obésité et des MNT associées est concomitante avec la disparition, sinon le recul spectaculaire de la plupart des maladies de carence (insuffisance pondérale, carence en vitamine A, ou en iode). Cependant, deux problèmes de malnutrition de type carentiel sont encore d'actualité :

- L'anémie, malgré l'amélioration des conditions de vie, demeure un problème de santé publique de premier ordre, affectant 25,6 % des femmes en âge de procréer, 30,9 % des femmes enceintes, 32,1 % des femmes allaitantes et 22,1 % des enfants d'âge préscolaire. Toutes les régions en sont affectées avec une prédominance dans les régions du Sud et du Grand Tunis. La carence en fer est la principale cause de ce problème nutritionnel10.

8-World Health Organization (WHO). Diet, nutrition and the prevention of chronic diseases. Report of a joint WHO/FAO Expert consultation. World Health Organ Techn Rep Ser 2003;916:1-149.
9-Hansen BC, Saye J, Wennogle LP (eds). The metabolic syndrome X. Convergence of insulin resistance, glucose intolerance, hypertension, obesity, and dyslipidemias - searching for the underlying defects. Ann NY Acad Sci 1999;892:1-338.
10-INN, 2002. Anémies en Tunisie : Causes et mesures d'interventions. Institut National de Nutrition, Direction des Soins de Santé de Base, Tunis, UNICEF, New York. 154 pp. (Disponible à http://www.nutrtion.rns.tn/).
- Le retard de croissance des jeunes enfants, qui est le reflet des problèmes de santé et de nutrition aux effets cumulatifs, a considérablement régressé au cours des dernières décennies, passant de 39,5 % en 1978 11 à 12,3 % en 2000 12 et 6,2% en 2006 . Cependant, des poches de ce problème persistent dans les régions du Sud et du Centre Ouest. Les infections répétées, l'analphabétisme des mères, la multiparité et une alimentation pauvre en protéines de bonne qualité semblent être les principales causes.
La rapidité et l'ampleur de la transition s'est donc traduite par la coexistence des deux types de malnutritions (par carence et par excès). Ce phénomène de double charge n'a pas encore été étudié en Tunisie. Quel est son ampleur au niveau du pays, de la région, du ménage et même de l'individu ?
Il s'agit là d'un défi tout à fait nouveau pour les stratégies de prévention : Quelles actions envisager lorsque par exemple des personnes d'une même famille sont touchées par des carences et des excès nutritionnels ?
4. Besoin d'une surveillance dans le cadre d'une stratégie nationale de lutte contre l'obésité
Devant les changements de la situation nutritionnelle et sanitaire qu'observe le pays, notamment, l'augmentation des MNT avec persistance de quelques maladies carentielles, une stratégie nationale de lutte appropriée, incluant une surveillance continue est indispensable pour pouvoir mieux maîtriser cette évolution qui a des implications considérables en termes de morbidité et de mortalité, comme en termes de coûts pour le système de santé. Elle est aussi nécessaire pour promouvoir un bien-être sanitaire et nutritionnel pour l'ensemble de la population tunisienne.
La création de ce laboratoire de recherche va permettre la mise en œuvre d'une structure de surveillance nationale dont le rôle serait de rassembler les données nutritionnelles et épidémiologiques, et de fournir de l'information utile et pertinente à divers utilisateurs concernés par les problèmes nutritionnels, sur l'évolution de la situation dans le pays et sur les déterminants de cette évolution.
Une base de données virtuelle sera ainsi créée.
5. Equipes impliquées dans le programme de recherche
La plupart des chercheurs impliqués dans le projet du Laboratoire ont déjà coopéré ensemble dans différents projets de recherche, nationaux et internationaux, au cours des dernières années :

- projets Nationaux Mobilisateurs sur l'alimentation et l'équilibre énergétique et métabolique chez les obèses diabétiques tunisiens (1993-1996) ;
- projet de coopération maroco-tunisienne sur le programme national d'éducation des femmes urbaines et rurales au Maroc et en Tunisie (1998-2000) ;
- projet de coopération franco-tunisienne sur la surveillance nutritionnelle et alimentaire en Tunisie (1999-2004) ;
- projet Tahina sur la transition épidémiologique en Tunisie (2002-2007) ;
- projet CORUS 2 sur la compréhension de l'obésité en Tunisie et au Maroc (2007-2011).

Ces chercheurs se sont réunis à plusieurs reprises pour définir les grandes orientations et les objectifs de la recherche du Laboratoire " SURVEN_Tunisie " envisagé.
11-INN, 1978. Enquête nationale de nutrition, 1973-75. (Rapport préparé pour le Ministère de la Santé Publique). Institut National de Nutrition. Tunis. 180 pp.
12-ONFP/UNICEF, 2007. Enquête nationale sur la santé et le bien-être de la mère et de l'enfant (MICS 3) de 2006. Ministère de la Santé Publique, Tunis.
b- au niveau international
1. Contexte mondial
Au cours des dernières décennies, les preuves se sont accumulées sur l'accroissement de la mortalité due aux MNT, aux modes de vie et aux changements de l'environnement des populations. Certaines de ces maladies représentent déjà une part importante de la mortalité mondiale : maladies cardiovasculaires (30%), cancers (13%), diabète (2%)13. Ces proportions devraient encore augmenter de 17 % au cours des dix prochaines années, notamment dans les pays en phase de transition épidémiologique.
Ces maladies ne sont plus ainsi "le privilège" des pays industrialisés à revenus élevés, mais au contraire, constituent d'ores et déjà un problème plus important dans les pays du Sud. Par exemple, les taux de mortalité des maladies cardiovasculaires sont plus élevés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé14. Les risques de maladies cardio-vasculaires vont de plus en plus se concentrer dans les pays à revenu faible mais surtout dans les pays à revenu intermédiaire dont fait partie la Tunisie15.
Le surpoids et l'obésité sont des facteurs de risque avérés des MNT. Dès la fin des années 1990, l'Organisation Mondiale de la Santé attirait l'attention sur le fait que l'obésité est le premier problème de santé publique non reconnu dans le monde, évoquant une véritable épidémie mondiale16, et en 2000 le nombre d'adultes obèses dans le monde dépassait déjà celui des personnes souffrant d'insuffisance pondérale due à la sous-alimentation.
Les causes fondamentales de l'épidémie d'obésité résident dans des modifications de l'alimentation et de l'activité physique17 résultant elles-mêmes de changements sociétaux profonds ; l'ensemble du processus étant décrit sous le nom de transition nutritionnelle. Bien que les principales caractéristiques de la transition nutritionnelle soient aujourd'hui bien documentées au niveau global18, les changements alimentaires au niveau des ménages et des individus et leurs déterminants, ainsi que la coexistence de problèmes de sous et de surnutrition font encore l'objet de beaucoup de questions.
13-Horton R. The neglected epidemic of chronic disease. The Lancet 2005;366:1514
14-Strong K, Mathers C, Leeder S, Beaglehole R. Preventing chronic diseases: how many lives can we save? The Lancet 2005;366:1578-82
15-Ezzati M, Vander Hoorn S, Lawes CM, Leach R, James WP, Lopez AD, Rodgers A, Murray CJ. Rethinking the "diseases of affluence" paradigm: global patterns of nutritional risks in relation to economic development. PLoS Med 2005;2:e133. Epub 2005 May 3
16-World Health Organization (WHO). Obesity: preventing and managing the global epidemic. World Health Organ Tech Rep Ser 2000;894:1-253.
17-World Health Organization (WHO). Diet, nutrition and the prevention of chronic diseases. Report of a joint WHO/FAO Expert consultation. World Health Organ Techn Rep Ser 2003; 916:1-149.
18-Maire B, Delpeuch F. La transition nutritionnelle, l'alimentation et les villes dans les pays en développement. Cahiers Agricultures 2004;13:23-30.
2. La prévention est une priorité
Dans des contextes de ressources limitées, la priorité a été donnée, au niveau international, à la prévention en tant que partie intégrante d'un plan de développement socio-économique durable. Plusieurs plans d'action internationaux ont été adoptés : en 2000, la stratégie mondiale de lutte contre les maladies non transmissibles ; en 2003, la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac ; en 2004, la stratégie mondiale pour l'alimentation, l'exercice physique et la santé ; en 2007, la résolution WHA60.23 sur la lutte contre les maladies non transmissibles : mise en œuvre de la stratégie mondiale ; en 2008, le rapport de l'OMS sur l'épidémie mondiale de tabagisme, et aussi la résolution WHA61.14 sur les stratégies visant à réduire l'usage nocif de l'alcool, et encore le plan d'action pour la stratégie mondiale de lutte contre les maladies non transmissibles ; en 2009, un plan d'action en nutrition pour la région de l'EMRO. Toutes ces stratégies portent essentiellement sur les deux déterminants les plus proches de l'obésité et des MNT: l'alimentation et l'activité physique19.
Plusieurs problèmes se posent cependant; certains sont spécifiques des pays à revenu faible ou intermédiaire :

- les déterminants habituels du surpoids et de l'obésité et les principaux facteurs de risque biologiques des MNT s'appliquent à ces pays, mais le manque de reconnaissance et d'acceptation de l'importance de ces maladies y empêche la mise en œuvre de mesures préventives que ce soit au niveau de la population générale ou des groupes à risque ;
- la double charge de malnutritions pose des problèmes inédits pour la prévention, mais elle n'est pas documentée, en particulier au niveau familial ;
- les mesures éducatives pour une alimentation et des modes de vie plus sains peuvent s'avérer inefficaces dans des sociétés où ces changements ne sont peut-être pas souhaités, et où les normes culturelles et sociales ne reconnaissent pas l'obésité comme étant un problème20. En plus de données épidémiologiques, des données sur les attitudes et les pratiques sont indispensables. L'obésité et les MNT associées étant le résultat de changements dans l'environnement physique, économique, politique, social et culturel qui rendent cet environnement "obésogène"21, la recherche doit donc aussi porter sur les actions susceptibles de transformer les environnements socio-économiques et de les rendre moins "obésogènes" pour les populations.

19-Organisation Mondiale pour la Santé (OMS). Stratégie mondiale pour l'alimentation, l'exercice physique et la santé WHA57.17. Genève : OMS, 2004;20p
20-Mohktar N, Elati J, Chabir R, Bour A, Elkari K, Schlossman NP, Caballero B, Aguenaou H. Diet, culture and obesity in Northern Africa. J Nutr 2001;131: S887-92.
21-Swinburn B, Egger G, Raza F. Dissecting Obesogenic Environments: The Development and Application of a Framework for Identifying and Prioritizing Environmental Interventions for Obesity. Prev Med 1999; 29: 563-70.
3. Le suivi des MNT et de leurs déterminants est une recommandation internationale
En plus de la surveillance et la collecte de données sur l'ampleur et les tendances des MNT ainsi que leurs facteurs de risque, il est recommandé d'apporter, sur une base systématique, ces informations ventilées selon l'âge, le sexe et l'appartenance socio-économique; et fournir des renseignements sur les progrès accomplis dans l'application des stratégies et plans nationaux.
3- REFERENCES DES DIX (10) PUBLICATIONS LES PLUS RECENTES (DE MOINS DE 5 ANS) ET SIGNIFICATIVES DES MEMBRES DE L'EQUIPE AYANT UN RAPPORT AVEC LES PROBLEMATIQUES A PRENDRE EN CHARGE

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